& A Puchberg : "D'aussi sombres pensées que je dois repousser avec violence"
Notes de la Baronne Maria Anna von Berchtold zu Sonnenburg
(Nannerl)
pour Albert van Molk St Gilgen, 1792
"Il est facilement compréhensible qu'un grand génie préoccupé par l'abondance de ses propres pensées et passant avec une rapidité incroyable de la terre au ciel ne s'abaisse qu'à contrecoeur à des tâches matérielles et ménagères. En vérité, il n'est que juste pour un génie de rechercher une fortune suffisante, mais ce serait une vile activité pour lui que de s'abaisser à chercher l'accumulation de richesses superflues.
Pour ce qui est de ses défauts, je ne peux lui en trouver qu'un seul, qui venait de ce qu'il avait trop bon coeur, et ne savait pas "diriger" l'argent. Quiconque le flattait pouvait tout obtenir de lui. Tant qu'il fut chez son père, celui-ci lui procura tout ce dont il avait besoin. Comme celui-ci s'en occupait, il ne réfléchit pas qu'il devrait un jour gérer l'argent, et c'est la raison pour laquelle, lorsque son père ne put l'accompagner à Paris à cause de son service, il envoya sa mère l'accompagner car il le connaissait bien et savait qu'il n'était pas en mesure de se diriger lui-même.
En dehors de la musique, il était et resta un enfant. Cela est un des traits les principaux de son caractère, côté ombre. Il aurait toujours eu besoin d'un père, d'une mère, ou d'un autre tuteur. Il ne savait pas gouverner l'argent, et épousa, contre la volonté de son père, une jeune fille mal assortie à lui, ce qui eut pour conséquence un grand désordre ménager au moment de sa mort et par la suite..".
Ces deux dernières lignes, aussi discutables soient-elles, ont été beaucoup prises en considération pour les premières biographies, avant d'être dénigrées et rejetées....
Nannerl , quels que soient ses défauts, avait un point commun à tous les Mozart : une hyper-sensibilité.(elle tombera souvent malade après le départ de Wolfgang) . Et s'il y en a une qui avait été très proche de son frère dans sa vie, c'est bien elle...
Rancoeur, jalousie, dans ces lignes sur Constance ? Peut-être. Mais on ne peut s'empécher de penser qui si c'était elle et Léopold qui s'étaient trouvés près de Mozart à Vienne, tout cela ne serait jamais arrivé.....
LES LETTRES A PUCHBERG, ces S.O.S. , sont déchirantes. Fallait-il pour autant les occulter, ou ne les reproduire qu'édulcorées, en partie ? Ne sont-elles pas essentielles pour bien comprendre au contraire dans quel état d'esprit se trouvait le compositeur pour en arriver là, ? Ne sont-elles pas plus éloquentes que toutes les biographies, les commentaires, plus vraies, plus authentiques ? (comme TOUTE LA CORRESPONDANCE D'AILLEURS)
Où est, ici, le Mozart fier, orgueilleux, secret, pudique, se moquant même toujours de ses plus grands chagrins ?
Mozart à Johann Michael Puchberg à Vienne, (avant le 17 juin 1788)
Très honorable Fr :
Très cher, excellent ami ! -
La certitude que vous êtes mon véritable ami et que vous me savez être un homme honorable m'encourage à vous ouvrir mon coeur et à vous adresser la demande suivante - Avec ma sincérité innée, j'irai droit au but, sans faire de belles phrases. -
Si vous vouliez avoir la bonté et l'amitié de me venir en aide pour 1 ou 2 ans avec 1 ou 2 milliers de florins, contre intérêts appropriés., vous m'aideriez à labourer mes terres !
Vous sentirez vous-même qu'il est sûr et vrai qu'on ne peut que mal vivre, ou qu'il est même impossible d'exister si l'on doit attendre une rentrée d'argent après l'autre ! Si l'on n'a pas une certaine réserve indispensable minimale, il est exclu de tenir ses affaires en ordre. Avec rien, on n'obtient rien. Si vous me faites cette amitié, je peux 1°. engager les dépenses nécessaires à temps, donc plus facilement, alors qu'actuellement je dois en repousser le paiement. 2° Travailler l'esprit libre de soucis et et le coeur léger, donc gagner davantage.
En ce qui concerne la garantie, je ne pense pas que vous ayez le moindre doute ! Vous savez à peu près où j'en suis, et vous connaissez ma façon de penser. Au sujet de la souscription (Souscription de la série des Quintettes à cordes K 406, 515 et 516) ,
ne vous faites pas de soucis, j'en repousse maintenant la date de quelques mois. J'ai l'espoir de trouver au-dehors plus d'amateurs qu'ici.
Dans cette circonstance, très importante pour mooi, je vous ai donc totalement laissé voir mon coeur et vous ai considéré en véritable fr., car on ne peut parler franchement qu'à un véritable fr. Si d'aventure vous ne pouvez pas vous démunir si vite d'une telle somme, je vous prie de me prêter, au moins jusqu'à demain, quelques centaines de florins, car mon propriétaire de la Landstrasse a été si impatient que j'ai dû le payer sur le champ, (pour éviter des ennuis) ce qui m'a mis dans une situation gênante !
Nous dormons aujourd'hui dans notre nouveau quartier '(Onzième appartement viennois de Mozart, dans la banlieue Alsergrund). Nous y resterons été comme hiver. Je trouve cela en fait égal, sinon mieux. J'ai peu à faire en ville, de toute façon, et comme je ne dois pas faire de nombreuses visites, je peux travailler plus agréablement. Et si je dois me rendre en ville pour affaires, ce qui n'arrivera que rarement, n'importe quel fiacre m'y conduit pour 10 x. Et puis le logis y est meilleur marché, et plus agréable au printemps, en été et à l'automne, puisque j'ai également un jardin. Le logis est situé Wahringergasse, Aux 3 étoiles, N° 135.
Considérez donc ma lettre comme le véritable témoignage de ma totale confiance envers vous, et restez à jamais mon ami et fr. tout comme je serai jusqu'à la tombe,
votre véritable et très intime ami et fr.
W : A : Mozart
P.S. : Quand ferons-nous à nouveau
chez vous une petite musique ? --
J'ai écrit un nouveau trio ! -
(Trio pour piano, violon et violoncelle K 542)
Note de Johann Michael Puchberg :
Envoyé 200 fl. le 17 juin 1788.
Vienne, le 27 juin 1788
Vénérable Fr :
Très cher, excellent ami ! -
Je pensais bien venir en ville ces jours-ci pour pouvoir vous remercier de vive voix de l'amitié que vous m'avez témoignée. Je n'aurais maintenant pas le coeur de me présenter devant vous car je dois vous avouer franchement qu'il m'est impossible de vous rembourser si vite ce que vous m'avez prêté, et je suis contraint de vous prier de patienter à mon égard ! J'ai grand souci à cause de ces circonstances et aussi parce que vous ne pouvez me soutenir comme je le souhaite ! Ma situation est telle que je suis obligé d'emprunter immédiatement de l'argent. Mais grand Dieu, à qui puis-je me confier ? à nul autre que vous, mon cher ! Si vous pouviez au moins me faire l'amitié de me procurer l'argent par un autre moyen ! Je paie volontiers les intérêts, et celui qui me prête a, ce me semble, suffisamment de garantie de par mon caractère et mes appointements. Je regrette vraiment d'être dans cette situation, et c'est justement pour cette raison que j'aimerais obtenir une somme un peu plus importante sur une période un peu plus longue pour éviter que ça se reproduise.
Si vous, très cher Frère, ne m'aidez pas dans cette situation, je perds mon honneur et mon crédit , qui sont les deux seules choses que je tiens à préserver (Commentaires de la correspondance : les dettes de jeux sont des dettes d'honneur). Mais je rajoute un an plus tard que les commentaires doivent se tromper, car vous verrez que je suis d'accord avec la nouvelle théorie de Shuji Fujisawa sur le sujet , et tellement, que je trouve vraiment nuls les biographes et musicologues de n'avoir rien compris avant).
Je compte entièrement sur votre amitié fraternelle et attends avec confiance que vous me veniez en aide par vos conseils et vos actes. Si mon souhait est exaucé, je peux reprendre haleine car je serai alors en mesure de mettre de l'ordre dans mes affaires, et de les y maintenir.
Venez donc chez moi, rendez moi visite ; je suis toujours à la maison. Depuis 10 jours que je suis ici, j'ai travaillé plus qu'en 2 mois dans l'autre logis, et s'il ne me venait si souvent en tête d'aussi sombres pensées (que je dois repousser avec violence), cela irait encore beaucoup mieux pour moi, car mon logement est agréable, pratique, et bon marché.
Je ne veux pas vous retenir plus longuement avec mes bavardages, et seulement me taire et espérer....
Vienne, début Juillet 1788
Très cher ami et Fr.
J'ai maintenant organisé mes affaires avec peine et souci, de sorte qu'il suffit de m'avancer un peu d'argent sur ces 2 engagements.
Je vous prie, au nom de notre amitié, de me rendre ce service, mais cela devrait se faire immédiatement. Excusez mon insistance, mais vous connaissez ma situation. Ah ! Que n'avez-vous fait ce que je vous demandais ! Faites le alors, et tout ira selon mes souhaits.
A jamais votre Mozart.
1789
Mozart à Franz Hofdemel à Vienne
Fin mars 1789
Très cher ami ! -
Je prends la liberté de vous demander un service sans faire de façons. : pourriez-vous ou accepteriez-vous de me prêter 100 fl. jusqu'au 20 du mois prochain, vous m'obligeriez infiniment. Le 20 échoit le trimestre de mes gages, et je pourrai alors vous rembourser ma dette avec mes remerciements.
J'ai trop compté sur les 100 ducats (que je dois recevoir de l'étranger (Commentaires de la correspondance : peut-être les honoraires pour la création à Prague de Don Giovanni, mais bon, malheureusement, les commentaires font peut être encore fausse route). Ne les ayant pas encore touchés ( mais les attendant d'une heure à l'autre), je me suis par trop démuni d'argent liquide, de sorte que j'en ai un besoin immédiat et place ma confiance en vous, car je suis tout à fait persuadé de notre amitié ! -
Nous pourrons bientôt nous appeler par un nom plus beau ! - Votre affaire approche de son but ! -
Mozart.
Traite de Mozart à l'ordre de Franz Hofdemel à Vienne
Vienne, le 2 avril 1789
Je m'engage à payer d'ici 4 mois la somme de 100 fl , je dis cent florins, à M. von Hofdemel ou à son ordre. J'ai reçu la contrevaleur en argent. Je m'engage à rembourser d'ici la date d'échéance et me soumets au Tribunal impérial et royal de commerce et des charges en Basse-Autriche.
A mon ordre Wolfgang Amadè Mozart
maître de chapelle au service impérial et royal
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JUIN 1810
Georg Nikolaus Nissen (second époux de Constance) à Carl Thomas Mozart à Milan
Le 13 juin,
"Vous savez que votre si glorieux père n'a laissé aucune fortune mais uniquement des dettes et un mobilier insignifiant, qui ne représentait pas, de loin, ce qui aurait dû revenir à votre mère en vertu du contrat de mariage (!!!!!!!) Cela fut donc taxé et laissé à votre mère en échange de son engagement à donner une certaine somme à ses enfants, selon ses moyens. Cette somme était de 200 florins chacun. Selon une très bonne institution de ce pays, l'argent des pupilles doit être placé dans un fonds public..."
(.....)
Constance Nissen à son fils Carl Thomas Mozart à Milan
(Son fils avait dû lui adresser une demande d'argent)
Copenhague, le 29 décembre 1810
Mon cher Carl,
Tout l'argent que moi, ta mère, j'ai acquis avec peine et acharnement après avoir payé les dettes laissées par ton père, et que mon mari actuel m'a aidé à faire fructifier, est placé à Vienne.
Comme le cours y est actuellement incroyablement bas, il serait impardonnable et peu sage, puisque désavantageux, de toucher à ce capital....
(....)
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1789
Mozart vient de quitter Vienne en compagnie du prince Karl Lichnowsky, avec qui il aura de troubles démélés financiers plus tard.... Ils vont se brouiller au cours de cette tournée ( Budwitz, Prague, Dresde, Leipzig, Berlin) , qui ne rapportera rien de positif au compositeur.
Budwitz, le 8 avril 1789,
Petite femme chérie !
Pendant que le prince est occupé à discuter à propos des chevaux, je saisis avec joie l'occasion de t'écrire quelques mots, petite femme de mon coeur. Comment vas-tu ? Penses-tu autant à moi que moi à toi ? Je contemple ton portrait à chaque instant, et pleure, à moitié de joie, à moitié de tristesse ! Préserve moi ta santé si précieuse et porte toi bien, chérie ! Ne te soucie pas à mon sujet, car pendant ce voyage, je n'ai aucun désagrément, aucune contrariété, aucune , sauf ton absence, à laquelle, comme il ne peut être autrement, je ne saurais rien changer.
J'écris ceci les larmes aux yeux. Adieu, je t'écrirai plus, et plus lisiblement, de Prague, car je ne serai pas aussi pressé, adieu, je t'embrasse des millions de fois très tendrement et suis à jamais ton
très fidèle serviteur , jusqu'à la mort
W : A : Mozart
Le 13 avril 1789
Si je voulais te raconter tout ce que je fais avec ton portrait, tu rirais bien souvent. Par exemple, lorsque je le tire de sa prison, je dis : Dieu te bénisse, Stanzerl ! Dieu te bénisse, Dieu te bénisse.... (...)
(.....)
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Chapitre suivant : A la maison, le 14 juillet 1789
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